Revue à deux reprises en 2013, la fiscalité des plus-values mobilières est globalement plus favorable qu’elle ne l’était avant … Mais peut être pas aussi simple qu’il n’y paraît.
Difficile pour les contribuables de ne pas avoir le tournis après cette valse-hésitation du gouvernement sur le sort fiscal réservé aux plus-values de cessions de valeurs mobilières. Alors que celle-ci étaient jusqu’en 2012 imposées au taux forfaitaire de 24 %, elles sont depuis 2013 imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR), après application éventuelle d’un abattement pour durée de détention (de ce fait, leur montant imposable peut être réduit). Suite à la fronde déclenchée par de nombreux entrepreneurs mécontent (les « pigeons »), ce régime d’abattement a été réformé … avant même d’être appliquée en 2013. Résultat, un nouveau régime d’imposition frappe rétroactivement les plus-values réalisées depuis le 1er janvier 2013, mais selon des modalités (avec différents abattements plus importants) qui sont, pour la grande majorité des contribuables, plus avantageuses que celles auxquelles ils s’attendaient lorsqu’ils ont procédé à des cessions.
Il faut donc espérer que le paysage fiscal se stabilise enfin pour laisser le temps aux contribuables de « digérer » ces nouveautés.
→ Imposition des plus-values au barème
Alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail oblige, les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées à partir du 1er janvier 2013 sont ajoutées aux autres revenus pour être soumises au barème de l’IR. De rares gains demeurent cependant taxés à un taux forfaitaire, tels que les gains sur un PEA et PEA-PME si un retrait ou un rachat est opéré avant son 5ème anniversaire (22.5 % en cas de rachat avant 2 ans, 19 % en cas de rachat entre 2 et 5 ans). Tous les détenteurs d’actions sont logés à la même enseigne : simple particulier gérant un portefeuille de valeurs mobilières comme entrepreneur. A cela, il faut ajouter, pour les contribuables les plus fortunés, la contribution sur les hauts revenus de 3 % et 4 % calculée sur le revenu fiscal de référence et, pour tous, 15.5 % de prélèvement sociaux (dont 5.1 % de CSG sont déductibles du revenu global de l’année suivant celle de la cession).
Pour le calcul de l’impôt sur le revenu uniquement (mais pour les prélèvements sociaux à 15.5 %), un abattement pour durée de détention s’applique sur les gains net de cession de certains titres. Ainsi, plus la durée de détention est longue, plus l’imposition à l’IR est faible. Bénéficient de cet abattement les actions de sociétés et parts sociales française et étrangères et les droits sur de tels titres (usufruit, nue-propriété), les titres d’OPCVM (Sicav, fonds) investi en parts ou actions de sociétés à 75 % au moins (critère devant respecté de manière continue jusqu’à la date de cession) et les parts de FCPR, FIP ou FCPI. Les plus-values distribuées par les fonds respectant le quota d’investissement de 75 % sont aussi éligibles à l’abattement. En revanche, sont exclus du systèmes d’abattement les obligations françaises ou étrangères, les bons de caisse bancaire, les SCPI, les warrants… La loi de finances pour 2014 a introduit deux jeux d’abattements : l’un, général, de droit commun (qui concerne notamment tous les détenteurs de placements en actions et fonds actions), l’autre incitatif (notamment pour les entrepreneurs) destiné à remplacer les régimes d’exonération d’IR applicables auparavant.
→ L’abattement général, valable pour tous
Dans le cadre du droit commun, les abattements initialement prévus de 20%, 30% ou 40% passent à 50% (si détention des titres cédés pendant au moins 2ans) et 65% (après 8 ans de détention). « Pour une majorité de contribuables, ce nouveau régime est plus favorable que le précédent » souligne Fabien Vatinel, Directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Neuflize OBC. « Les contribuables sont même gagnant par rapport à l’époque où les plus-values étaient soumises au taux forfaitaire de 24 % puisque, en cas de détention de plus de 8 ans, le taux global d’imposition n’est plus que 33.25% (IR + prélèvements sociaux + contribution sur les hauts revenus, et hors CSG déductibles de 5.1 %) contre 43.5 % ».
Attention, dans ce régime de droit commun comme dans le régime incitatif, le délai de détention est calculé « de date à date » et non pas à compter du 1er janvier de l’année d’acquisition des valeurs mobilières. Autre inconvénient, il s’applique, comme la doctrine du fisc le laisse à penser, tant aux plus-values qu’aux moins-values (qui seront donc diminuées d’un abattement avant imputation fiscale …). Sachant que les moins-values ne sont imputables que sur les seules plus-values de même nature de l’année et des 10 années suivantes, un contribuables a donc un intérêt fiscal à vendre un titre en perte (si elle est irréversible) avant 2 ans pour éviter de perdre la possibilité d’imputer 100 % de sa moins-value.
Si le cédant est globalement moins taxé, sa stratégie de gestion de son portefeuille s’avère donc plus complexe, car il perd en lisibilité sur ses plus-values et moins-values. En effet, sur le plan pratique, le calcul de la plus-value imposable tourne au casse-tête. En cas de cessions de titres de même nature (une ligne d’actions Air Liquide par exemple), le prix moyen pondéré et si les titres ont été acquis à des dates différentes, pour savoir quel abattement pratiquer, il faut appliquer la méthode FIFO (premier entré, premier sorti). « Un plus-value et une moins-value nette devrait être calculée pour chacune des durée de détention, remarque Fabien Vatinel, mais une confirmation de l’Administration est attendue sur ce point. » Enfin, autre difficulté pratique, sous réserve de précisions de la part de Bercy, un double suivi des moins-values reportables devrait être opéré, puisque l’abattement s’applique pour l’IR uniquement, mais pour les prélèvements sociaux.
→ L’abattement incitatif, sous dans les PME
Afin de tenir compte de la prise de risque des entrepreneurs : principalement patrons, actionnaires, minoritaires, cadres dirigeants, jeunes créateurs de société … un abattement renforcé (de 50 % après un an seulement de détention jusqu’à 85 % après 8 ans) s’applique lors des cessions de titres dans trois cas limitativement énumérés par la loi :
- Dès le 1er janvier 2013, pour les cessions de titres d’une société qui, entre autres conditions, a au moins 10 ans d’existence et était une PME au moment de l’acquisition (et non pas lors de la cession). Les autres exigences (siège dans l’UE, activité professionnelle, pas de garantie en capital accordée aux actionnaires) doivent être satisfaites de façon continue jusqu’à la date de cessions des titres. En revanche, aucune conditions n’est posée quant au pourcentage de participation détenu, qu’il s’agisse d’un dirigeant, d’un simple actionnaire ou d’un salarié.
- A partir du 1er janvier 2014, pour les cessions réalisées entre membres d’un groupe familial qui détiennent ou ont détenu au cours des 5 dernières années plus de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux, à condition que ces titres ne soient pas à nouveau cédés à un tiers moins de 5 ans après la cession (sinon, le premier cédant voit l’abattement renforcé remis en cause). Cette catégorie de cédants et perdante, puisque, avant la réforme, la cession était totalement exonérée d’IR.
- A partir du 1er janvier 2014, pour les cessions réalisées par un dirigeant de PME partant en retraite.
Dans chacune de ces situations, l’octroi d’abattement renforcé est subordonné au respect de conditions très contraignantes. Pour les cessions intrafamiliales et les cessions par un dirigeant de PME partant en retraite, les conditions qui présidaient à l’octroi d’un exonération d’IR sont transposées à l’abattement renforcé. Si ces critères ne sont pas satisfaits, c’est l’abattement général qui s’applique.