Il fut à craindre que la loi des finances pour 2013 mît un terme au dispositif d’abattement pour durée de détention prévu à l’article 150-0 D ter du Code général des impôts qui s’applique aux dirigeants de petites et moyennes entreprises européennes qui cèdent les titres de leur société en vue de leur départ à la retraite. Heureuse nouvelle, non seulement ce dispositif a été maintenu dans sa version originale, mais il a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2017 alors qu’initialement il devait prendre fin le 31 décembre 2013.
Avant de commenter ce dispositif spécifique, il convient de préciser succinctement les autres règles d’imposition des plus-values de valeurs mobilière, introduites par les dernières lois de finances.
Mécanisme du report et d’exonération sous condition de remploi du numéraire après la cession des titres
Il est prévu un mécanisme de report d’imposition de la plus-value taxable au barème progressif de l’impôt sur le revenu, en cas de réinvestissement dans une société opérationnelle soumises à l’IS. L’exonération devient définitive si les titres souscrits en remploi sont conservés plus de 5 ans. Les prélèvements sociaux (15.5%) et la contribution exceptionnelle sur les hautes revenus, le cas échéant, restent dus. Les principales conditions à respecter sont les suivantes :
- les titres cédés doivent avoir été détenus de manière continue depuis plus de huit ans et représenter au moins (avec le groupe familiale ou via une société interposée non soumise à l’IS) 10 % des droits de vote ou des droits aux bénéfices ;
- la société dont les titres sont cédés doit avoir exercé une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale ou financière de manière continue pendant les huit ans précédant la cession, ou avoir pour objet exclusif la détention de participations dans des sociétés exerçant les activités précitées ;
- il est nécessaire de réinvestir au moins 50 % de la plus-value nette des prélèvements sociaux acquittés dans la souscription en numéraire au capital initial ou dans l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés opérationnelles dans un délai de vingt-quatre mois ;
- les titres reçus en contrepartie de l’apport doivent représenter au moins 5 % des droits de vote et des droits aux bénéfices.
Il convient de préciser que la quote-part non réinvestie est entièrement imposable.
Régime de droit commun
Ce régime prévoit une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu de la plus-value, celle-ci se voyant diminuée d’un abattement pour une durée de détention égal à 20 % entre deux et quatre ans, 30 % entre quatre et six ans, 40 % au delà. Cet abattement s’applique uniquement à l’assiette de l’impôt sur le revenu et non à celle des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, le cas échéant.
Régime particulier des entrepreneurs et salariés
Ce régime optionnel vise les plus-values réalisées par des dirigeants lors de la cession des entreprises qu’ils ont eux-mêmes développées. Dans ce cas de figure, un taux forfaitaire de 19 % s’applique auxquels se rajoutent les prélèvements sociaux et, le cas échéant, les contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, soit un taux maximal de 38.5 %. Les conditions à respecter sont les suivantes :
- la société soit avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (ou holding animatrice) exercée de manière continue pendant les dix années précédant la cession ou depuis sa création ;
- les titres du cédant et de son groupe familial, directement ou via son groupe interposée non soumise à l’IS, doivent :
- avoir été détenus de manière continue pendant les cinq ans précédant la cession ;
- avoir représenté, de manière continue pendant au moins deux ans au cours des dix années précédant la cession, au moins 10 % des droits de vote ou droits au bénéfices sociaux ;
- représenter au moins 2 % des droits de vote ou droits dans les bénéfices sociaux à la date de la cession.
- le contribuable doit avoir exercé, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, une fonction de direction ou une activité de salarié représentant plus de 50 % de ses revenus professionnels.
Ce dernier régime ne doit pas être confondu avec celui des dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite, objet de notre tribune que nous détaillons, à présent.
Régime particulier du dirigeant faisant valoir ses droits à la retraite
Les dirigeants de PME qui vendant leur société à l’occasion de leur départ à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement pour une durée de détention pour les cessions de titres réalisées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2017. Le montant de la plus ou moins-value est diminué d’un abattement d’un tiers par année de détention des titres au delà de la 5°, soit une exonération totale d’imposition de la plus-value au delà de 8 ans.
Les prélèvements sociaux (15.5%) restent dus sur la totalité de la plus-value. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus est également due le cas échéant.
Les condition à respecter pour être éligible à ce dispositif sont nombreuses :
- La société doit :
- avoir exercé de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole, ou financière (ou holding animatrice) à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ;
- être une PME passible de l’IS, elle doit donc employer moins de 250 salariés, son chiffre d’affaire annuel ne doit pas excéder 50 M d’euros ou totaliser un bilan inférieur à 43 M€. Il est admis que les seuils précités puissent être appréciés à la clôture de l’un des trois derniers exercices qui précède celui au cours duquel intervient la cession ;
D’autre pas, si la société établit des comptes consolidés, c’est sur ces derniers que l’on doit apprécier les conditions précitées. Enfin, le capital ne doit être détenu à 25 % ou plus de manière continue au cours du dernier exercices clos, par une ou plusieurs entreprises ne répondant pas elles-même à la définition de PME.
- Le cédant doit pour sa part :
- cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite (la date à laquelle le dirigeant fait valoir ses droits à la retraite s’entend de la date d’entrée en jouissance des droits qu’il a acquis dans le régime obligatoire de retraite de base auprès duquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire auprès duquel il a été affilié au titre de sa dernière activité) dans les 24 mois précédant ou suivant la cession ;
- avoir été dirigeant de la société dont les titres sont cédés, de manière continue durant les 5 années précédant la cession, dans les conditions requises pour bénéficier de l’exonération ISF ;
- avoir détenu directement ou par personne interposée, ou par l’intermédiaire de son groupe familial au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée, de manière continue pendant les 5 années précédant la cession.
- La cession doit porter sur l’intégralité des titres ou des droits détenue par le cédant dans la société ou, lorsque le cédant détient plus de 50 % des droits de vote, sur plus de 50 % des droits de vote.
- Le cédant ne peut être associé ou actionnaire de l’entreprise cessionnaire à la date de cession et de manière continue au cours des trois années suivantes. Il est admis néanmoins que le cédant puisse détenir seul, directement ou indirectement, au maximum 1 % de l’entreprise cessionnaire.
Il est intéressant de noter que les membres du groupe familial (conjoint, ou partenaire de PACS, leurs ascendants, descendants, ou frères et sœurs) qui cèdent l’intégralité de leurs droits à la même date que le dirigeant, peuvent bénéficier de l’abattement, lorsque les cessions réalisées par l’ensemble du groupe portent sur plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de la société, à condition de détenir personnellement les titres depuis plus de huit ans, et de ne pas avoir de participation dans le capital de l’acquéreur. Soumis aux mêmes conditions, l’abattement s’applique également aux co-fondateurs qui doivent avoir été présent dans le capital de la société dont les titres sont cédés depuis sa constitution et de manière continue jusqu’à la cession.
D’un point de vue pratique, une remarque particulière doit être signalée si l’on envisage une donation de titre démembrés préalablement à une cession. En cas de report en démembrement de propriété sur le produit de la vente, la plus-value sur l’usufruit reste taxable au nom du nu-propriétaire. Dans ce cas de figure, le doctrine administrative prévoir alors que la date d’acquisition retenue pour le calcul des abattement est celle de l’acquisition de la nue-propriété. Ce schéma s’avère pénalisant car la plus-value réalisée sur l’usufruit perd alors le bénéfice de l’abattement pour durée de détention, puisque les titres viennent d’être donnés peut de temps avant la cession donc bien loin de huit ans requis. Il est donc recommandé d’éviter les opérations de donation démembrée en cas de vente.
A l’exposé de ces différents régimes, on notera que sur l’échelle d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, le taux varie de 19.5 % à 64.5 % soit un écart de 45 points !
Il est simple, à première lecture, de déterminer quels régime offrent le taux le plus avantageux de 19.5 %. Il s’agit d’une part du report d’imposition mais qui suppose rappelons-le, un réinvestissement dans une nouvelle société opérationnelle, et celui d’autre part, des dirigeants faisant valoir leur retraite, mais pour autant que la détention des titres dépasse huit ans. En revanche, les choses se compliquent si la durée de détention de leurs titres est inférieure à huit ans. Il semble, à la lecture des textes, que la part taxable de la plus-value réalisée par le chef d’entreprise puisse être imposée soit au barème progressif, soit au taux forfaitaire du régime des entrepreneurs, à condition que le cédant y soit éligible également. Nous attendons avec intérêt les précisions de l’Administration fiscal pour confirmer cette analyse. Il convient alors d’opérer le classement suivant (prenant l’hypothèse d’une tranche marginale maximal d’impôt sur le revenu de 45 %) afin de déterminer quelle option choisir.
Face aux méandres de ces différents régimes, on ne peut que conseiller aux chefs d’entreprises de se rapprocher de leurs conseils, pour qu’il puissent avec précision être fixés, au moment de la cession des titres de leur entreprise, sur le sort de l’imposition de leurs plus-value, en espérant qu’il puissent bénéficier pour certains du dispositif pour départ en retraite, pendant qu’il est encore temps.